lundi 28 avril 2014

Puisqu'il faut un début...


- Est-ce en 2007, en participant à un projet innovant me demandant de chambouler tout ce que je pensais  savoir en pédagogie ? 

- Est-ce plus tôt ? Quand j'étais petite en participant à de nombreux échanges avec le soutien de l'éducation populaire et/ou religieuse ? (Bouh tabou, ça, tabou, ça le fait pas avec la laïcité... Mais pourtant j'ai côtoyé des adultes avec de jolies valeurs pendant ces temps !). Cela m'a beaucoup appris... Peut être même plus qu'avec l'école dans l’Éducation Nationale... ? (J'adore provoquer !)

- Est-ce en tant qu'animatrice avec un camp jeunesse et sport, découverte du patrimoine et vacances pour tous de 3 à 12 ans ?
Non, je ne pense pas... Cette expérience au milieu d'animateurs qui me paraissaient puérils et irresponsables m'a plutôt rapprochée de "l'entreprise familiale" de père en fils/fille : L'Éducation Nationale ! (Hihi la grande naïve qui pensait que les diplômes permettent d'être moins puérils et irresponsables... hihihi !)

- Est-ce en tant que jeune maman, informée de la réalité de la vie en école maternelle et souhaitant trouver une pédagogie plus respectueuse de la Nature de ma fille ?
Certainement que ces recherches n'ont pas été vaines malgré mon observation plus que saugrenue de l'époque... Je vous raconte ?  Allez... (J'en ai trop envie et c'est moi qui ai le clavier)

Année 2000 ! Ma fille a 2 ans et je me demande si elle sera bien accueillie en maternelle avec son sacré caractère... J'en doute ! Pas assez dans le moule de l'écoute béate avec l’œil vif et curieux.
Toujours active, dans le mouvement, capable de longues heures d'attention si cela correspond à sa lubie du moment... Sinon ? ... Sinon, elle envoie tout bouler !
Elle mange de bon cœur, dort dix heures par nuit et trois à quatre heures par sieste.
C'est une enfant vivante ! Un peu trop parfois... après une journée de travail :-)
C'est avec elle que j'ai appris à être mère. Je trouve qu'elle a fait du bon boulot ! Ce n'était pas gagné d'avance ;-)

Bon, je décide d'aller visiter une école à orientation Montessori. J'arrive le jour J à l'heure H et une maman tente en vain de faire monter dans sa voiture un petit "capricieux" assis sur le trottoir... ça m'amuse et je pousse le portail. J'entre dans un jardin sans couleur, sans saveur avec une vieille balancelle pleine d'échardes. J'entre ensuite dans un couloir jaune et rassis à l'odeur de vielles chaussettes mouillées bien infusées... Je jette un œil dans des pièces sur-encombrées et ternes. Brrr !
Enfin, quelqu'un s’intéresse à moi et m'oriente vers l'éducatrice qui me fera visiter les lieux. Enchaînements de pièces mal rangées et défraîchies... Matériel vieux comme les jeux de ma grand mère (quand elle était petite). Pas de couleur ! Une description de journée qui conviendrait au besoin de sécurité d'un autiste. Je ne pense pas que ma fille le soit, et espérais un peu plus de vie dans cet endroit...
Quand l'éducatrice me montre avec passion une vielle petite table en bois à cirer, avec chiffon de laine et cire au miel, et qu'elle m'indique que cette activité est la préférée des enfants, je demande pourquoi... Sa réponse me laisse en plein doute : "C'est parce que les enfants aiment la répétition et que ce mouvement les berce, la cire sent bon... C'est comme lorsqu'ils aident leur maman à cirer les meubles à la maison..." (Dois-je alors avouer que je n'ai aucun meuble à cirer pour les devoirs du soir ?)...
Je demande alors ce que cette activité apporte à l'enfant, m'attendant à une réponse comme le développement de l'attention, le goût du travail bien fait, le mouvement circulaire, prémisse d'un geste graphique... Rien de tout cela : "Ce mouvement les berce, la cire sent bon... C'est comme lorsqu'ils aident leur maman à cirer les meubles à la maison. Les enfants aiment imiter les adultes."

Bon, je n'étais plus très convaincue que l'on parvienne à se comprendre malgré la jolie plaquette d'informations. En ajoutant le fait qu'il n'y ai aucun dessin sur les murs sales et cloqués ("Oui, c'est normal, ce n'est pas une bonne chose de frustrer les enfants en leur demandant d'attendre pour récupérer leurs créations..."), aucune affiche, que je croise un père psy dans l'entrée m'informant de son bonheur d'avoir trouvé une école aussi respectueuse du rythme des parents (!!!) et qu'ainsi cela s'adaptait à ses heures de travail car il pouvait déposer son enfant jusqu'à neuf heures trente chaque matin... Et qu'en repartant je croisais la même maman épuisée devant le portail, face à son petit en tailleur, bras croisés, décrétant que : "non !" Il ne monterait pas dans la voiture, aujourd'hui !
...
Consternée !
Oui, je l'étais...Au regard du coût annuel de cette école, je me suis dit que ma fille s'adapterait au système National. Elle l'a fait avec plus ou moins de douleurs, selon les années et l'enseignant qu'elle avait en face.
...
J'étais une témoin de son chemin de galères et d'apprentissages scolaires... Tentant de rendre les temps plus doux, à la maison... Mais, j'étais parfois obligée de passer du côté des bourreaux pour lui permettre de ne pas larguer les amarres trop loin, face à des enseignants qui n'auraient pas compris. J'en ai tout de même retenu quelques frustrations et aigreurs...

Elle est passée d'élève en grandes difficultés en CE2 à première de sa classe en CM1... Un classement qui laisse songeur, non ?

Ce n'est qu'un début !


Oui, il a fallu tout de même quelques années d'expériences dans l’Éducation Nationale et d’aigreurs bien placées pour me faire prendre cette ultime décision : Je financerai, quoi qu'il arrive, ma formation d'éducatrice à L'institut International de Maria Montessori.

Je ne vais surprendre personne en parlant du mammouth comme d'un refuge pour certains dinosaures qu'il est parfois douloureux de croiser dans sa carrière de jeune naïve souhaitant servir l'éducation de tous et pour tous... Il n'y a pas qu'eux, heureusement, mais ils tiennent de la place et font parler ! Ils laissent derrière eux un joli tas de composts parfois pas si fertilisant que ça !

Ma vraie grosse indignation, celle qui a fait de moi une rebelle... (Il vaut mieux être belle et rebelle que moche et re-moche dirait Agnès Bilh... :-))
--> 2005-2006, années explosives professionnellement et personnellement. Plein de catastrophes de vie en série comme le destin arrive si bien à l'agencer... Catastrophes si bien enchaînées qu'en relisant leur décompte, écrit pour mon inspecteur, je n'en reviens pas ! Dans une série télévisée populaire ils n'oseraient pas l'écrire avec une telle densité... En 2005 et 2006 c'était bien vrai pour moi.

Le seul moyen de ne pas couler était une association musicale dans laquelle je composais, écrivais et exerçais mes talents de chanteuse-comédienne débutante pour servir des spectacles pour enfants. C'était mon échappatoire, ma bouffée d'air pour oublier le réel trop lourd qu'il faudrait affronter, droites et solide, quand la sono et les projecteurs seraient rangés dans le camion de location...

Il se trouve que cette petite association ami-musicale avait réservé depuis le printemps 2005, un studio professionnel pour enregistrer. Et voilà que la grande messe de rentrée des enseignants tombe justement ce mercredi là ! Impossible de perdre une telle somme d'argent pour l'association musicale ou de tenter un arrangement avec le studio... Je demande donc mon absence, justifiée de la plus honnête vérité.

Résultat : Convocation devant l'inspecteur et remontage de bretelles en règle : "Un fonctionnaire est fait pour fonctionner, Madame C", menace de retirer une journée de paye alors qu'il s'agissait d'une période tendue (Et il le savait comme il m'avait demandé de décrire l’enchaînement de mes catastrophes pour justifier ce besoin de respirer autre chose qu’Éducation Nationale en pleine zone prioritaire classée violence...) ... Et surtout, cet inspecteur s'est permis de pointer ma personne d'une manière inimaginable, intolérable, inconcevable et tous les "in" et les "able" de la langue française ne suffiraient pas à qualifier sa conduite déviante. J'ai subi une belle déstabilisation n'ayant rien à envier à certains régimes autoritaires... Je me souviens de son interrogation si sarcastique : "Cet enchaînement de situations difficiles, jusqu'où je n'en étais pas moi même responsable ? "
[ Oui... Décès dans la famille, accident grave, double cancers de proches... très proches, suicide de mon ami enseignant, re-cancer et décès rapide chamboulant toute l'organisation familiale, et départ de mon mari... pour se remettre en ménage avec ma meilleure amie... "Cet enchaînement de situations difficiles, jusqu'où je n'en étais pas moi même responsable ? "]

Comment je justifiais tout ça ? Hein ? Alors ?
Et en plus, cette même année, j'osais investir un peu de temps et d'énergie dans la création d'une chorale d'école ? Mais "on n'a pas besoin de musiques et de chansons pour apprendre, Madame C ! Vous parlez de plaisir mais personne n'en a besoin pour entrer dans les apprentissages scolaires (claque sur la table de Monsieur l'Inspecteur de l’Éducation Nationale !). Ces élèves perturbés, en zone difficile, demandent de la rigueur de travail pour se plier à la demande institutionnelle".       
  ...

Grands chefs de l’Éducation Nationale qui ressemblez à ce qui m'a été donnée de voir ce jour là, laissez moi vous susurrer l'idée que vous ne m'avez que permis de vous mépriser puis finalement, vous plaindre... J'ai été élevée pour être une citoyenne libre. Mon père, ma marraine et mon grand père, eux mêmes enseignants, me soutiennent.
Donc, tant que vous ne me montrerez pas, vous-mêmes, ce qu'il faut faire pour éduquer une trentaine d'enfants de 2 à 6 ans dans une même pièce, sans trop de violence et un minimum de plaisirs je ferai ce que je sens être le meilleur pour eux... Parce-que ça, je veux dire : "conserver le plaisir au travail", vous n'en êtes souvent pas cap !

Voilà, ce n'était qu'un début... Plein de remises en question et de doutes... pour finalement demander un changement de poste et tenter une école moins sur-chauffée parce que vider sa tête du travail pour s'occuper de deux petites miss à la maison en maman solo, c'est déjà beaucoup.

... Là aussi ce n'était qu'un autre début car un appel à candidature allait tomber pour "un projet innovant"... J'ai foncé, j'étais hors cadre, j'ai été prise. Et voilà, il fallait que j'apprenne à travailler dans une équipe composée d'une éducatrice jeune enfant et d'une CAP petite enfance... (Trop bon !)
Qu'est-ce que j'ai appris sur la petite enfance durant ces cinq années !
Qu'est-ce que j'ai appris sur ma façon d'enseigner... pour mieux désapprendre et ré-apprendre en neuf !
Qu'est-ce que j'ai appris sur moi et ma manière d'être...
:-) (haha, je suis comme ça ? ! Gloups... )
:-/ (help !)
:-D (Pffff... autant s'assumer et faire avec ce que je suis. Allons-y !)

Merci Monsieur F pour avoir "misé" sur ma personne !
Merci Monsieur G même si nous ne nous sommes pas toujours compris !
Merci à l'équipe de la mairie !
Et merci à l'équipe, tout court, aux enseignants du secteur et aux parents !

Je ne sais plus qui disait que l’illettrisme de notre époque en crise n'était plus le fait de ne pas savoir lire mais surtout le fait de ne pas savoir apprendre puis désapprendre pour réapprendre à nouveau.
:-) Il y a beaucoup d’illettrés dans l’Éducation Nationale !
...
Mais il y a aussi les autres !!!  Merci d'avoir appris à désapprendre !